Conversions in extremis

Du Père Garrigou-Lagrange, Dominicain (1877-1964), in L’Éternelle vie et la profondeur de l’Âme, chapitre 1er.

LES CONVERSIONS IN EXTREMIS

C02Rappelons cependant pour finir que, même pour les endurcis qui ne donnent aucun signe de contrition avant de mourir, nous ne pouvons affirmer qu’au tout dernier moment, juste avant la séparation de l’âme et du corps, ils se sont définitivement obstinés. Ils ont pu se convertir à la dernière minute de telle façon que Dieu seul a pu le savoir. Le Saint Curé d’Ars, divinement éclairé, dit à une veuve venue pour la première fois dans son église et qui priait en pleurant : « Votre prière, Madame, est entendue ; votre mari est sauvé ; quand il venait de se jeter dans le Rhône, la Sainte Vierge lui a obtenu la grâce de la conversion juste avant de mourir. Rappelez-vous qu’un mois auparavant, dans votre jardin, il a cueilli la plus belle rose et vous a dit : « porte-la à l’autel de la Vierge Sainte. Elle ne l’a pas oublié ». – D’autres se sont convertis in extremis qui ne se rappelaient avoir fait que quelques actes religieux au cours de leur vie, comme par exemple, un marin avait conservé l’habitude de se découvrir en passant devant une église ; il ne savait même plus le Pater ni l’Ave Maria, mais il restait encore ce lien qui l’empêchait de s’éloigner définitivement de Dieu.

On lit dans la vie du Saint Évêque de Tulle, Mgr Bertau, ami de Louis Veuillot, qu’une pauvre fille de cette ville, qui avait été chanteuse à la cathédrale, tomba dans la misère, puis dans l’inconduite, comme pécheresse publique et qu’elle fut assassinée une nuit dans une rue de Tulle ; la police la trouva expirante et la porta à l’hôpital ; en y arrivant elle mourut en disant : «Jésus, Jésus ! » On demanda à l’évêque : « faut-il lui donner la sépulture ecclésiastique ? » Il répondit : « Oui, puisqu’elle est morte en prononçant le nom de Jésus, mais enterrez-la le matin de très bonne heure, et sans faire l’encensement ». On trouva dans la pauvre chambre de cette malheureuse le portrait du saint évêque de Tulle, au verso duquel elle avait écrit : « Le meilleur des pères ». Quoi­qu’elle fut bien tombée, elle avait reconnu la sainteté de son Évêque, et elle avait conservé en son cœur le souvenir des bontés de Notre Seigneur.

De même un écrivain licencieux, Armand Sylvestre, promit à sa mère, lorsqu’elle mourut, de dire chaque jour un Ave Maria, et chaque jour de ce bourbier qu’était la vie de ce malheureux écrivain s’élevait cette fleur de « l’Ave Maria ». Il tomba gravement malade, d’une pneumonie, on le porta dans un hôpital de Paris desservi par des religieuses, qui lui dirent : « Voulez-vous un prêtre ». – « Certainement » répondit-il, et il reçut l’absolution, probablement avec une attrition suffisante, par une grâce spéciale que dut lui obtenir la Sainte Vierge. Mais il a dû subir ensuite un long et très dur purgatoire.

Un autre écrivain français Adolphe Retté, peu après sa conversion, sincère et profonde, fut frappé de voir dans un Carmel cette pancarte « Priez pour ceux qui vont mourir pendant la messe à laquelle vous allez assister ». Il le fit. Quelques jours après il tomba gravement malade et fut cloué sur un lit d’hôpital à Beaune plusieurs années jusqu’à sa mort. Chaque jour, le matin il offrait toutes ses souffrances pour ceux qui allaient mourir dans la journée ; il obtint beaucoup de conversions in extremis. Nous verrons au ciel combien dans le monde ont été nombreuses ces conversions et nous chanterons éternellement les miséricordes de Dieu.

On cite aussi dans la vie de sainte Catherine de Sienne la conversion in extremis de deux grands criminels. La Sainte était allée voir une de ses amies, et l’on entendit dans la rue où habitait cette amie, un grand bruit ; l’amie de sainte Catherine regarda par la fenêtre et vit que c’étaient deux condamnés à mort qu’on conduisait sur une charrette au dernier supplice, en les tourmentant avec des tenailles rougies au feu, ils blasphémaient et hurlaient. Aussitôt sainte Catherine, à l’intérieur de la maison où elle était, se mit en prière, à genoux les bras en croix et demanda la conversion de ces deux criminels.

Alors dans la rue aussitôt ils cessèrent de blasphé­mer, et demandèrent à se confesser. Les gens qui étaient dans la rue ne pouvaient comprendre ce changement subit ; ils ne savaient pas qu’une Sainte avait prié pour obtenir cette double conversion.

Il y a une soixantaine d’années l’aumônier de la prison de Nancy qui avait pu jusque là convertir tous les criminels qu’il avait conduits à la guillotine, se trouvait dans une voiture cellulaire avec un assas­sin qui refusait de se confesser avant la mort. La voiture passa devant un sanctuaire de Notre-Dame du Bon Secours. Alors le vieil aumônier dit : « Sou­venez-vous ô très pieuse et douce Vierge Marie qu’on n’a jamais entendu dire qu’aucun de ceux qui ont eu recours à votre intercession aient été abandonnés. Convertissez mon criminel, autrement moi je dirai qu’on a entendu dire que vous ne nous avez pas exaucés ». Et aussitôt le criminel se convertit.

Le retour à Dieu est toujours possible jusqu’à la mort, mais il devient de plus en plus difficile avec l’endurcissement. Alors ne remettons jamais à plus tard notre conversion, et demandons tous les jours par l’Ave Maria la grâce de la bonne mort.

Cet article, publié dans Doctrine, est tagué , , , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.